Rommel

C'était toute une colonne blindée qui était passée par là, le général qui la commandait debout dans sa voiture de commandement, une joue barrée d'un pansement teinté de sang, rebondissant dans les cahots, cramponné au pare-éclats, imperturbable, incapable (raconta-t-il plus tard) dans le tapage des moteurs et des détonations d'arrêter le feu que crachaient dans toutes les directions toutes les armes de ses véhicules lancés à toute allure dans la nuit zébrée de rouge - le général(on allait plus tard le faire maréchal) qui pendant quatre années allait formidablement foncer de la même manière, balayant tout sur son passage, dans des déserts, des sables, sous des soleils encore plus brûlants, continuer à foncer sur d'autres routes, d'autres chemins, entre d'autres ruines, d'autres débrits brûlants, d'autres morts -
et plus tard reculer à son tour, toujours impassible, calme, dangereux, frappant encore, le menton haut, rasé de près, droit comme un mannequin, avec son oeil d'oiseau de proie, son visage de cuir, et en place du traditionnel monocle ses lunettes de motocycliste relevées sur le front par-dessus la visière de sa casquette de marèchal, jusqu'à ce que, sur ordre (ces ordres auxquels pendant quatre ans il allait obéir avec cette même impétueuse audace, rigide, distante, gourmée) lui-même dirige sur sa tempe le canon d'un pistolet et appuie sur la détente.