Début juin 1940, la Somme.

S'il restait quelque espoir, celui-ci va s'effondrer en juin. En tenant compte des réorganisations, l'Armée ne dispose plus que de 43 Divisions d'Infanterie d'active (affaiblies) de 3 Divisions cuirassées (affaiblies également), 3 divisions légères de cavalerie, 17 Divisions de campagne et de 7 Divisions légères d'infanterie.
Face à elle on compte 130 Divisions allemandes dont 10 blindées.

Le souhait de Weygand de se replier sur la Basse-Seine, n'est possible que pour une armée, qui retraite en bon ordre. ce qui est, ici, hors de question en fonction de la pression allemande. On combattra donc sur la Somme. Weygand préconise la constitution de môles de résistance, qui continueront à combattre après le passage des chars allemands. C'est la technique dite du "hérisson", à laquelle on essaie d'ajouter une défense en profondeur.


Pour cette bataille L'Armée Française adopte le dispositif suivant :

A gauche, le groupe d'armées n°3, commandé par le général Besson, doit interdire les directions de la Basse-Seine et de Paris, avec la Xe armée (général Altmayer) sur la Basse-Somme, la VIIe armée (général Frère) sur la Somme, à Amiens et à Péronne, et la VIe armée (général Touchon) sur l'Ailette et l'Aisne jusqu'à Neufchâtel.

Au centre, le groupe d'armées n°4 du général Huntziger doit, avec la IVe armée (général Réquin), barrer, sur l'Aisne, la direction de Langres, tandis que la IIe armée (général Freydenberg) tient ses positions au sud de Sedan.

À droite, le groupe d'armées n°2, sous les ordres du général Prételat, est responsable de la défense de la ligne Maginot et du Rhin avec ses trois armées : la IIIe (général Condé), la Ve (général Bourret) et la VIIIe (général Laure).



En face, a eu lieu aussi une légère réorganisation ;

Le groupe d'armées A de von Rundstedt (IIe, XIIe et XVIe armée) est déjà installé sur l'Aisne et l'Ailette.

Le groupe d'armées B de von Bock (IVe, VIe et IXe armée) laisse à la XVIIIe armée le soin de liquider la poche de Dunkerque,et porte sur la Somme ses trois autres armées pour prolonger le front.

Les dix divisions de Panzer sont réorganisées en cinq corps blindés, dont trois confiés à von Bock et deux à von Rundstedt.

Le groupe d'armées B est chargé de faire porter son effort sur la Basse-Seine et sur Paris. Le groupe blindé Hoth (15e corps) prend position sur la Basse-Somme, entre la mer et Amiens, pour agir en direction de la Basse-Seine. Les deux autres corps blindés de von Bock vont se mettre en place sur la Somme moyenne pour déboucher ultérieurement, à partir des têtes de pont d'Amiens et de Péronne, en direction de Paris.

Au groupe d'armées A incombe l'opération principale, c'est-à-dire une offensive enveloppante vers Langres et le Jura, par les vallées de la Seine, de la Marne et de la Meuse. Le groupe blindé Guderian (39e et 41e corps) franchira l'Aisne et poussera vers le sud-est, par Châlons et Langres, en direction de la frontière suisse, pour prendre à revers la ligne Maginot et les armées françaises de l'Est.




Cette carte ne présente que la gauche et le centre du dispositif. Voir la carte suivante pour visualiser tout le dispositif



Après une tentative avortée de l'Armée Française de reprendre la poche d'Abbeville, les Allemands attaquent le 5 juin, à 4 heures du matin. L'offensive se déclenche sur tout le front compris entre la mer et le confluent de l'Ailette et de l'Aisne. « Dès l'aube, les avions commencent leur carrousel de mort. Les bombes éclatent sur les nids de résistance. De temps en temps, rarement, un avion s'abat. Toujours la même méthode : ce bombardement aérien qui déprime si fortement les hommes, surtout quand le ciel est vide d'avions français. » (Colonel de Bardies)

L'attaque allemande débute l'offensive dans le secteur situé au sud de Péronne, face à la VIIe armée française. Peu avant le début de l'offensive, vers 3h30, arrive dans la tête de pont le 16e corps blindé du général Hoepner (3e et 4e divisions Panzer), chargé de l'effort principal sur l'axe Assevillers-Roye-Ressons-sur-Matz. Les quelques 640 chars engagés dans ce secteur sont massés sur un front offensif de 6 km, ce qui représente 100 chars au kilomètre, exacte densité préconisée par Eimannsberger( "L'attaque est le feu et le mouvement, et le combat de chars réunit ces deux éléments!“) et Guderian pour l'attaque d'une position de résistance.

Après une recrudescence des feux d'artillerie, l'assaut est lancé sur tout le front de la tête de pont. Les Allemands remarquent rapidement le changement de tactique de l'armée française. « Les Français se défendent avec ténacité, écrit le général List, chef du 2e bureau ouest de l'O.K.H.. Nulle part on n'observe des signes de démoralisation. On se rend compte du nouveau procédé de combat français. » La « défense en profondeur » préconisée par Weygand donne d'excellents résultats. Dans l'ensemble, les « hérissons » résistent et les Panzer subissent des pertes substantielles.



Au soir, le dispositif français est, cependant entamé en plusieurs endroits. « Évidemment ce n'est plus le rapide écroulement qu'on a vu sur la Meuse. Nos troupes, s'accrochant au terrain, ne lâchent pas pied. Contournant les villages et les bois, qui sont autant de bastions, les chars allemands s'infiltrent dans les intervalles, pris de flanc par l'artillerie et parfois culbutés et mis en flammes. L'infanterie allemande, stoppée par notre feu, ne suit pas. Mais nous sommes encagés ; les chars arrivent jusqu'à la deuxième position de nos armées ; la ligne française n'est bientôt plus qu'une série de petites forteresses, dont chacune se bat pour son compte" (Colonel de Bardies)
Dans l'ensemble, les attaques allemandes ont été contenues, malgré des infiltrations dans les intervalles. Mais le commandement français ne dispose d'aucun moyen pour dégager les garnisons assiégées. Les « hérissons » sont donc condamnés à disparaitre.

Le 7 juin, exploitant leurs premiers avantages, les forces allemandes s'emploient à consolider la rupture des parties du dispositif français partiellement disloquées la veille. La situation s'aggrave rapidement dans le secteur de la Xe armée. La seconde ligne de défense française est enfoncée à Poix. Une brèche large de 25 kilomètres environ s'ouvre, entre Hornoy et Conty. Les blindés allemands s'y engouffrent, en direction de Formerie – où se trouve le Quartier Général de la Xe armée – et de Forges-les-Eaux. Instruit par l'expérience des deux jours précédents, Rommel a pris le parti d'éviter les « hérissons » avec ses chars et de pousser en terrain libre, à travers champs, droit au sud-ouest.Les blindés de la 7e division de Panzer avancent d'une quarantaine de kilomètres dans la journée. À la fin de celle-ci, Rommel atteint Forges-les-Eaux, à 60 kilomètres au sud de la Somme. Il n'est plus qu'à 40 km de Rouen et de la Seine. La Xe armée est sur le point d'être coupée en deux.



Le 8 juin, l'avance du corps blindé Hoth se poursuit à une cadence accélérée. À 11 heures, une colonne de blindés arrive à Gournay, rendant ainsi effective la coupure en deux tronçons de la Xe armée. Le tronçon ouest, comprenant le 9e corps d'armée commandé par le général Ihler et la 51e division britannique du général Fortune, refluent vers la mer, à la recherche d'un point de rembarquement. On se replie en combattant au nord de Beauvais, talonné par les unités du corps blindé Hoth.

Dans le secteur de la VIe armée, la situation s'est considérablement aggravée. L'ennemi a réussi à franchir l'Aisne à Missy, à 9 km en amont de Soissons, et à Pommiers, à 5 km en aval de la même ville. Ainsi, Soissons est débordé des deux côtés. Dans l'après-midi, les deux éléments de l'étau se rejoignent. Les Allemands sont maîtres du cours de l'Aisne sur une quarantaine de kilomètres, de part et d'autres de Soissons. En fin d'après-midi, ils ont établi une tête de pont continue, mais peu profonde, entre Vailly et Vic.

De ce fait, le groupe d'armées n°3 est rompu aux deux ailes par la double avance allemande sur Rouen et sur Soissons. La VIIe armée, qui défend le canal Crozat et l'Ailette, est débordée, à gauche, par les colonnes allemandes qui ont atteint Roye ; à droite, par des infiltrations ennemies dans la forêt de Saint-Gobain. Les unes et les autres cherchent à refermer l'anneau derrière les divisions françaises qui occupent le secteur. « Les points d'appui encerclés résistent avec acharnement. Mais, ni ravitaillés, ni dégagés, ils finissent par succomber. Peu à peu, les brèches faites par les blindés s'élargissent, débordent les défenses voisines, qui ont d'abord résisté, les encerclent, puis les réduisent. De poche en poche, le front s'écroule. Il faut replier rapidement ce qui est encore libre. » (Colonel de Bardies)


La bataille de la Somme est perdue.

Le groupe d'armées n°3 se replie sur la Basse-Seine, la position avancée de Paris et la Marne. Le général Weygand prescrit au général Duffour, commandant la IIIe région à Rouen, d'improviser un barrage sur la Seine avec des éléments régionaux et toutes "les réserves" que le général Doumenc pourra trouver.
Les quelques cent mille hommes évacués de Dunkerque, via l'Angleterre, ont été transportés, au cours des journées précédentes, entre Caen et la Seine. Leur état matériel est déplorable. Beaucoup d'hommes n'ont pas d'armes. La valeur combative de ces unités, qui n'ont pas eu le temps de se réorganiser, est plus qu'incertaine. L'état de fatigue et le moral sont préoccupants. Mais la situation est trop grave pour que l'on ne tente pas d'utiliser ces effectifs. En parallèle, Weygand ordonne la transformation du « gouvernement militaire de Paris » en une « armée de Paris » qui, sous les ordres du général Héring, sera chargée de la défense de la Seine, entre Vernon et Pontoise, et celle de l'Oise, entre Pontoise et Boran-sur-Oise.

Le 9 juin la ville de Rouen est occupée. La bataille de la Somme est définitivement perdue.



Situation de l'Armée Française le 12 juin en bleu



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